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✂ SENTENCE
✂ PRONONCÉE PAR LA COMMISSION D’ENQUÊTE ÉTABLIE AU CHÂTEAU DE CHRISTIANSBOURG
✂ LE 25 AVRIL.
✂ 1772,
✂ CONTRE ENEVOLD BRANDT;
✂ AVEC
✂ L´APPROBATION
✂ DU ROI
✂ DONNÉE LE 27 AVRIL 1772.
✂ COPENHAGUE
✂ CHES PIERRE STEINMANN LIBRAIRE.
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✂ SENTENCE
✂ Au procès entre le Procureur Fiscal comme demandeur & le Comte Enevold Brandt comme défendeur,
✂ Il appert clairement, tant par la consession du Comte Brandt même, que par la déclaration du précédent ministre du Cabinet Jean Frideric Struensée & par plusieurs circonstan- ces; que le Comte Enevold Brandt n’a pas seulement été l’ami de Struensée; mais encore son confident, auquel il ne cachoit aucun de ses secrets les plus importans.
✂ C’auroit donc été le devoir de Brandt, vû la bienveuillance dont Sa Majesté l’honoroit, de prévenir tout ce qu’il avoit (selon sa propre déclaration dans l’interrogatoire) & désapprouvé & trouvé, de mauvais, de pernicieux & d’audacieux soit pour le Roi soit pour l’Etat, dans les sentimens, dans la conduite & dans les projets de Struensée.
✂ Mais au contraire il a comme un coupable sujet & comme un Serviteur indigne de la confiance de son Roi, continué d’etre intimement uni avec Struensée, de lui garder le secret & de travailler à le soutenir.
5✂ 36 Il s'est laissé gagner par Struensée pour écarter tout le monde du Roi, afin que S. M. ne put rien apprendre des blamables actions de Struensée & de la part que lui Brandt y avoit.
✂ Il s'est montré insolent vis - à - vis de son Monarque, & en particulier & en Public aux yeux de ses concitoyens très scandalisés de ce manque de respect.
✂ Il n’a point rendu à S. M. cette humble soumission, qui est le devoir de tout bon sujet & que chacun témoigne si volontiers en toute occasion, tant par ses actions que par ses paroles; mais on peut dire qu’il s'est plutôt élevé contre le Roi, afin de gagner & de conserver la bien veuillance & l'affection de Struensée, qu’il vouloit faire servir à son avantage & à sa fortune éclatante.
✂ Le memoire composé par Struensee & par Brandt est une preuve des ridicules prétentions du dernier & montre qu’il reconnoissoit sa conduite envers le Roi digne de repréhension. Il auroit donc du changer & corriger sa façon de vivre, ou plutot abandonner un poste qui lui répugnoit & auquel il se trouvoit impropre. Mais non; il ne vouloit point contredire Struensée son protecteur & son Bienfaiteur, lequel souhaitoit; par rapport à ses vues de le conserver auprès du Roi; comme aussi Brandt attendoit de Struensée de plus grands avantages, soit pour son avancement soit pour sa fortune.
✂ Comme Directeur des Spectacles il a aidé Struensée à désunir la famille Royale, en effectuant que le Prince Frideric dût avoir une Loge séparée, afin que S. Alteste Royale ne se trouvat pas dans celle du Roi, & n'eut pas la facilité de lui découvrir la détestable manœuvre de Brandt & de son ami, à l’égard de S.M.
6✂ 37 Il s'est fait donner comme un présent par Struensée & de la caisse du Roi 60000 écus dans un court espace de temps pendant qu’il savoit très - bien ou du moins devoit savoir qu’il ne les avoit poin mérités, ni par la fidélité de ses services, ni par l’honneteté de sa conduite.
✂ Lorsqu’il remercia le Roi de ce don considérable, il n’a point accusé la somme reçue de Struensée; sans doute parce qu’il savoit que la chose ne pouvoit pas être dans la régle & que Struensée lui avoit défendu d’en parler, crainte que S. M. ne vit par là l’iniquité, que l’extrait trouvé chez Struensée & approuvé du Roi a ensuite manifestée & au souverain & à tous ceux qui le voient.
✂ Le Comte Brandt a commis tous ces forfaits, quoique sa conscience dut lui reprocher à tout instant qu’il agissoit en Sujet infidéle & contre les devoirs & les obligations étroites que lui imposfoit la confiance du Roi & dont l’avertissoient si énergiquement les deux lettres anonymes trouvées dans son porte-feuille, en lui conseillant avec justesse les mesurres qu'il avoir à prendre, s’il ne vouloit pas mettre sa tête dans le plus éminent péril.
✂ Rien ne le touchoit & ne le conduisoit que l’orgueil, l’ambition & l’amour de l’argent.
✂ Mais quelque criminels que soient les faits ci desius allégués, ils ne sont point à comparer avec l’attentat audacieux contre la Personne auguste de S. M. clairement & distinctement avoué par le Comte Brandt lui même dans son interrogatoire fait par devant la Commission, de plus confirmé & prouvé par plusieurs témoins: Car il ne renferme pas moins que d’avoir voulu hazarder d’oter la vie au Roi; puisqu’on ne sauroit prévoir l’issue d’une pareille violence & que le moindre coup dans quelque endroit dangereux a souvent occasionné la mort.
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✂ Il a eu l'insolence d’être irrité contre le Roi, de vouloir satisfaction de son Maître; au lieu de recevoir les repréhensions qu'il avoit bien méritées avec une vive douleur de sa précédente conduite & déviter sa présence, crainte de l’offenser encore.
✂ Mais au contraire il a délibéré avec son ami Struensée de quelle maniere & enquel temps il attaqueroit le Roi; il a réfléchi pour savoir quelle arme il choisiroit à cet effet, il l'a préparée; quoiqu'après des raisonnemens posterieurs, il ne s’en soit pas servi.
✂ Struensee l’ayant averti du moment où le Roi étoit seul & qu’il étoit temps d’agir, il est allé de volonté préméditée & dans la ferme résolution de se venger, jusques dans la chambre du Roi; il a renvoyé les deux jeunes gens qui y etoient de service; il amis le verrou à la porte afin que personne ne put entrer pour s’opposer à lui & l’empêcher d’exécuter son criminel dessein & il a forcé le Roi en l’attaquant de paroles & d’effèt à faire ses efforts pour le re-
✂ pousser. Dans cet horrible débat, il a blessé le Roi à la gorge, lui a mordu un doigt & dans le même temps a eu le front d'insulter son bienfaiteur & son Souverain par des paroles & des discours si abominables, que personne ne pourroit les répéter sans frémir,
✂ Il est bien vrai que pour se disculper, le Comte Brandt a allégué que S. M. lui avoir pardonné ce crime; mais quand cela seroit, on ne pourroit l’entendre autrement sinon que S. M. a bien voulu suspendre pour un temps son indignation & voir si un sujet mériteroit par son repentir une grace aussi signalée: cependant le coupable n’a rien pu produire pour prouver ce pardon & il n’y a que
8✂ 39 le Roi seul qui puisse décider jusques-à quel point l'allégué de Brandt est véritable.
✂ Cet attentat audacieux & détestable du Comte Brandt ne sauroit être envisagé que comme le plus énorme attentat contre la personne Auguste de S. M. & comme le plus grand crime de Léze- Majesté qu’on puisse concevoir; par conséquent digne de la punition énoncée dans nos Loix Liv. VI. Chap. 4. Art. 1.
✂ C’est en conséquence que nous sommes obligés de juger le Comte Brandt & nous prononçons: „ Que le Comte Enevold Brandt doit perdre l’honneur, la vie & les biens; être dégradé de son titre de Comte & de toutes ses autres dignités; que ses armoiries de Comte seront brisées sur l’échafaud par le bourreau: ensuite Enevold Brandt, lui vivant, perdra la main droite, après cela la tête: son corps sera mis en quartiers sur les roues, sa tête & sa main sur un poteau.
✂ Fait dans la Commission, au chateau de Christiansbourg le 25 Avril 1772.
✂ étoit signé.
✂ J. K. Juell Wind(L. S.)
✂ Luxdorph. (L. S.)
✂ J. E. Schmidt. (L. S.)
✂ G. A. Braem. (L. S.)
✂ A. G. Carstens. (L. S.)
✂ F, C. Sevel. (L. S.)
✂ H. Stampe.
✂ (L. S.)
✂ Kofod Ancher. (L. S.)
✂ O. Guldberg. (L.S.)
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✂ APPROBATION DU ROI
✂ Nous -- vu la Sentence prononcée par la Commission que nous avens etablie au Château de Christiansbourg. @contre Enevold Brandt par laquelle & pour son audacieux & criminel attentat contre Notre Personne, il est condamné à perdre l’honneur, la vie & les biens, à être dégradé de son titre de Comte & de toutes ses autres dignités; à voir ses armoiries de Comte brisées par le bourreau sur l’échafaud, ensuite â perdre la main droite lui vivant, après cela la tête; son corps partagé en quatre quartiers & mis for des roues, la tête & la main for un poteau; - - avons approuvé en tout la dite Sentence. D’après quoi chacun à qui il appartient aura à se conduire avec une entière obéissance. Donné à notre château de Christiansbourg le 27 Avril 1772.
✂ Signé CHRISTIAN.
✂ Et plus bas. O. Thott.
✂ Luxdorph. A. Schumacher. Dons. Höyer,