Frijs, Christian Emil Krag-Juel-Vind BREV TIL: Moltke-Hvitfeldt, Gebhard Léon FRA: Frijs, Christian Emil Krag-Juel-Vind (1870-04-16)

Udenrigsminister Grev Frijs til Grev Moltke-Hvitfeldt, Gesandt i
Paris
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Copenhague, 16 avril 1870.

M. le Comte.

Les récens articles du journal officieux du Cte de Bismarck m’avaient fait pressentir qu’il pouvait bien vouloir tâcher de tirer profit du moment actuel et des graves difficultés intérieures dans lesquelles se débattent la France et l’Autriche, pour en finir d’un coup décisif avec cet article V du traité de Prague qui depuis long temps pèse si lourdement sur le gouvt. prussien. Mes soupçons viennent d’être confirmés plus tôt que je ne l’avais cru moi-même, car une dépêche télégraphique du ministre du roi à Vienne m’a mandé avant hier que »la Prusse paraît vouloir soumettre au cabinet autrichien des propositions, sans tenir aucun compte de la France«. 1) Si M. Falbe ne s’est pas trompé dans ces prévisions, les intentions du Cte Bism. commencent donc à se dessiner clairement. Il veut, selon moi, se concerter avec l’Autriche sur une interprétation restrictive de l’art. V et il espère obtenir l’assentiment de sa partie contractante, pour que d’un côté l’île d’Als et le Sundeved soient exclus d’une rétrocession éventuelle, et que de l’autre côté des garanties soient demandées en faveur des quelques Allemands, qui habitent le Nord Slesvig. L’accord une fois établi avec le cabinet de Vienne sur cette base, le comte de Bism. s’empressera d’adresser au gouvt. du Roi une proposition formelle, qualifiée d’ultimatum en ajoutant qu’elle est à prendre ou à laisser, et pour le cas où le gouvt. danois se déclarera dans l’impossibilité d’accepter une solution qui probablement compromettrait l’avenir du pays entier, le chancelier de la confédération lancera sans retard une déclaration qui supprimera formellement un article de traité, dont il prétendra que l’accomplissement est devenu impossible à cause du refus obstiné du Danemark d’accepter s. 417des offres, reconnues satisfaisantes par la puissance qui seule serait en droit d’interpréter avec la Prusse le traité de Prague et d’en exiger l’exécution. Il se peut toutefois que M. de Bismarck ne mette pas tant de formes à en arriver au but qu’il poursuit depuis si long temps, car sa hardiesse sera proportionnée à la grandeur des préoccupations qui empêchentles autres cabinets de suivre les évolutions de sa politique envahissante.

Que pourrions nous faire dans des conjonctures pareilles, pour parer le coup que le comte de Bism. se dispose à nous porter?

Si le comte Daru était encore à la tête des Affaires étrangères de la France, la manière sympathique dont il s’est toujours prononcé devant vous à l’égard du Danemark, l’importance qu’il attachait à ce qu’il ne fût pas permis à la Prusse de violer le traité de Prague au gré de ses intérêts, la promesse formelle qu’il vous a donnée lorsqu’en conformité de mes instructions du 12 février, 1) vous lui avez demandé d’empêcher qu’un accord ne se fît à notre insu entre la Prusse et les autres puissances au sujet de l’interprétation de l’art. V — toutes ces circonstances auraient été pour moi une garantie que le gouvt. français ne manquerait pas d’exercer son influence à Vienne en notre faveur. Mais je vous avoue, Monsieur le Comte, que la retraite du comte Daru dans ce moment-ci 2) me paraît un grand surcroît de malheur, et ce ne sera pas de trop de toute notre fermeté pour tenir tête à un concours de circonstances aussi fâcheuses. Il faut donc tenter tous les efforts pour contrecarrer les desseins du Cte Bismarck et je suis convaincu que vous n’épargnerez aucune peine pour rendre ce résultat possible.

J’ai déjà donné l’ordre à M. Falbe 3) de communiquer ses s. 418soupçons au duc de Grammont, pour que ce ministre en avertisse son gouvernement. Ainsi j’espère vous avoir préparé la voie, lorsque vous chercherez une entrevue avec le ministre des Aff. étr., pour lui parler de ces éventualités dont vous direz avoir reçu des avis de Vienne, sans être à même toutefois d’en garantir l’exactitude, mais qui vous paraissent assez probables et sur lesquelles vous présumez que le gouvt. imp. sera mieux instruit que vous. Après cette introduction vous expliquerez au ministre le sens de la promesse que M. le Cte Daru vous avait faite dans vos entretiens avec lui au sujet de ma dépêche Nr. 4, et vous exprimerez le désir que le duc de Grammont reçoive aussi tôt que possible des instructions pour agir conformément à ces promesses.

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Si, comme je le présume, le ministre se montre disposé à s’entretenir plus longuement avec vous sur la question slesvigoise, je vous prie de saisir cette occasion pour l’éclairer sur les points principaux que je crains qu’il n’ait envisagés sous un point de vue peu favorable pour nous. Vous connaissez si complètement tout ce qui regarde la question de la délimitation et celle des garanties demandées par la Prusse, que je n’ai pas besoin de rien ajouter à ce sujet. Mais il y a en outre trois considérations, sur lesquelles je vous prie surtout de fixer l’attention du ministre.

1° L’art. V du traité de Prague n’est signé que par la Prusse et l’Autriche, il est vrai; mais l’insertion de cet article est, d’après la déclaration faite en plein parlement prussien par le comte Bism., exclusivement due à la demande de la France. Ensuite cet article fait partie intégrante du traité de Prague qui a été accepté par l’Europe entière, lorsque les puissances européennes ont reconnu le nouvel ordre de choses créé par ce traité. Enfin la Prusse elle-même a officiellement porté à la connaissance du gouvt. du Roi rengagement qu’elle avait pris de rétrocéder au Danemark la partie septentrionale du Slesvig. Pour toutes ces raisons il ne saurait plus appartenir à la Prusse de supprimer ou de s. 419mutiler cette promesse, quand même l’Autriche trouverait de sa convenance d’y prêter les mains.

2° Supprimer ou mutiler l’art. V constituerait non seulement une violation de la justice, de la foi des traités et du principe de nationalité, mais ce précédent battrait en brêche tout le traité de Prague; et si à cette occasion le gouvt. pruss. pouvait mettre de côté l’art. V, du même droit il ne manquerait pas de se regarder comme délié de tous les autres engagemens qu’il a contractés dans ce même traité, et aucune puissance ne saurait en bonne logique trouver à redire à l’incorporation de l’Allemagne du Sud, si au préalable l’Europe avait tranquillement assisté à cette nouvelle injustice contre le Danemark.

3° Il ne s’agit pas de fixer une frontière, car le traité s’en rapporte aux populations elles-mêmes pour décider de leur sort par un vote librement émis. Nous ne faisons que demander l’application simple et sincère de ce principe sur lequel le gouvt. impér. lui-même est basé et qu’il a inauguré dans le droit des gens moderne en même temps qu’il l’a fondé dans le droit public de la France.

Voilà M. le Comte, les arguments que je vous prie de faire valoir de la manière la plus efficace et la plus convenable. Mais je le répète, nous n’en sommes encore qu’aux conjectures quant aux intentions présumées de la Prusse. Le fait me paraît plus que probable, il est vrai, mais rien n’est positivement constaté à l’heure qu’il est. Je vous prie donc de vous y prendre avec la plus grande circonspection, en même temps que vous aurez soin pourtant de ne pas laisser perdre un temps précieux, pendant lequel il sera peut-être encore possible de parer le coup, dont le gouvt. prussien semble nous menacer.

Koncept med P. Vedels Haand til Depeche Nr. 5.

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