compte-rendu, [Nice] 071-0120

Conférence européennne de sémantique, Nice 5/51 Premiere séance du 27 mars 1951. Presents? Les memes. (Les numéros des questions a traiter se référent au Programme des séances.) A l'absence de M. Pos, qui a soulevé ces questions dans ses Propositions, les questions I 1 et I 2 sont laissées de cété jusqu*å nouvel ordre, d'autant plus qu'elles sont un peu en de- hors du propre domaine du colloque (Benveniste). On procede done immédiatement å la question I qui se rapporte surtout aux Propositions présentées par M. Frei sous l'alinéa 5. Benveniste souligne que ce qui nous intéressera c’est la re- présentation de la signification telle qu’elle se présente a un observateur objectif: il ne s’agira pas d'étudier ce que l'homme cherche a sighifier, mais ce que le langage signifie. Cette observation se rapporte a la plupart des propositions. Il s'agit de savoir si on peut atteindre ob.jectivement la signification, ce qui est dénié dans la conception antimenta- liste de Bloomfield. M. Frei donne lecture de sa thbse J.1 (p. 5 de ses Propositions): ”Le signifié est une valeur* ’’Dans l'intérieur d’une méme langue, to us les mots qui expriment des idées voisines se limitent ré- ciproquement” (Saussure) Interrogé, M. Frei se défend en disant que ce qu’il a écrit sont simplement les paroles de Saussure, et qu'il ne tient qu’ les reproduire telles quelles sans rien atouter. A propos de certaines observations il explique que la pensée de Saussure a évolué, et que les notes laissées par ses éleves permettent de constater des différences entre ses opinions de 1907 et de 1911; M. Godel prépare actuellement une these sur la chronologie de la pensée saussurienne.

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27/5-51 5/51 Devoto voudrait voir écartée la phrase "des idées voisines", puisque "idée" reste vague et est une notion a éviter. Adhésion de tous les cotés . - (M. Prei ne fait que hausser les épaules.) *• Benveniste s'attaque au terme "mots". Suit une discussion animée (interventions surtout de Bazell et de H.1.) qui aboutit a la pro- position suivante présentée par Hj. en vue d'une revision de la formule saussurienne reproduite par Frei: "A l'intérieur d'une meme langue, toutes les formes du contenu se limitent réciproquemeht." On passe a la these $ .2 de Prei (en résumé: Seion Saussure, les termes 'opposition1 et 'distinct' ne peuvent s'appliquer qu'aux signes, la seule espéce de faits que comporte la langue", les termes 'différence' et 'différent' qu'aux éléments constitutifs des signes, c'est-a-dire aux signifiés et aux signifiants, et par conséquent aussi aux phonémes, ces constitutifs n'ayant rien de positif, La doctrine de Saussure est universe1lement violée au- jourd'hui et mal interprétée) . Devoto discute opposition et distinction. Répondant a une question posée par H j.. Frei répond que "positif" se rapporte a la substance. A la suite de cette con3tatation, Hj_.propose de distinguer la forme pure (relation- nelle) et la forme matérielle (cf. mon article dans les Cahiers F. de Saussure), en interprétant le dictum de Saussure sur le "po- 3itif" de fa9on å admettre des participations (exemples). Pas d'objections a eet égard. Devoto insiste sur 1*existence de cases vides en passant d'une langue a l'autre: all. gemutlich est im- possible a rendre en fran9ais. Bazell y ajoute le cas de profond qui en fran9ais n’a pas de terme opposé correspondant a angl. shallow;il ajoute que dans les deux cas il ne s'agit pas d'une case vide dans le méme sens. Il estime que le cas de shallow

est comparable au fait que dans telle langue il existe un mot

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fist mais pas un mot mit t. A ce propos H.j. propose la distinction entre forme et usage et insiste sur les accidents de la parole (cas de mi:t);ce principe semble recevoir l'adhésion des membres. Sommerfelt demande a jfj_.des précisions pour savoir si ses points de vue s'appliquent aux systémes de signaux étudiés par Buhier; Firth pose a ce propos la question des signaux de trafic. Réponse (facile1.) de Hj. On parvient de lk k la distinction entre langue - systeme a deux plans de structure différente et ,jeu - systems a deux plans présumés mais réductibles å un seul grace a leur symétrie. Le cas présenté par les jeux est appelé par plusieurs de membres du débat 1111 isomorphisms" . Benveniste voudnait maintenir que dans le cas des signaux de trafic il y a deux plans, surtout parce que meme dans ce cas le signe est arbitraire et convention- nel, et qu' il y a signification. H.j. admet ce point de vue pos- sible tout en recommandant le principe de simplfcité. Frei envisage la possibilité d'une analyse "subsémique" comparable a l1analyse du phonéme en des éléments diff4rentiels proposée par Jakobson. Il estime que lat. deleo fournit un exemple d'une telle analyse: on y peut distinguer les differences (oppositions) actif-passif, infectum-perfectum, présent-passé, lre personne-autres personnes, etc. - H.j. soutient qu'il s'agit de d eux analyses qui ne sont pas du meme niveau. Ce qui seion lui serait comparable a l'analyse phonémique de Jakobson est un faisceau d'oppositions tel que celui présenté par les cas finnois illatif allatif inessif adessif élatif ablatif ou 'rapprochementreposéloignement' d'une part, 'in- tériorité’-'extériorité' de l'autre sont les 'traits distinctifs'. H.j. conteste la doctrine saussuråenne et postsaussurienne seion

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27/5-51 5/51 laquelle la langue ne seralt qu'un systéme de signes: c’est un systéme d'éléments destinés k composer des signes (signifiants et signifies) qu'l faut dire. Il pense done qu'il est erroné de prétendre avec Saussure que les signes sont "la seule es- pece de faits que comporte la langue". (Sourire de M. Frei qui finit par nous 'confier qu'il a mal å la téte.)

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Conference européenne de sémantique, Nice Deuxiéme séance du 27 mars 195.1«. Présents* Les mémes. Programme de séance II est mis å discussion. Benveniste demande s'il y a objection de principe å admettre la distinction langue - parole comme base du programme. Firths In a private conversation Hjelmslev offered to me the excellent English term of ’’purport" . I would adopt the distinction langue - parole but would like to ask whether the purport is to be comprised under the general heading. Devoto propose d' intervertir l1 ordre et d'étudier la parole ave.nt la langue parce qu'il n'y a pas de langue possible sans parole, et que la langue ne se reconnalt que par la parole. Prei objecte que c’est contre l'idée de Saussure. Hj. admet en théorie le point de vue de Prei mais estime qu’en pratique la question de procédure ne se pose pas! l'ordre n’a pas d'importance, d'autant plus que tout se tient. Hllmann est du merne avis. Le programme est adopté. Puisque tous se sont prononcés dans la séance du matin k la seule exception de M. L0tz, Benveniste invite M. Lotz å se prononcer d'abord sur les sujets traités le matin. Lotz insists on the distinction between sign and sign components ånd on the definition of elements. He would like a behavioral interpretation. Particularly he emphasizes the problem of iso- morphy discussed this morning, taking isomorphy in the ordinary sense of mathematical logic, i. e. as a one-to-one relationship. Two sorts of isomorphy could be conceived: (i) independent i.e. correspondence between music and song (verse); and (ii) implic- ative i. e. (a)sonnets, end (b) drawings taking over some parts

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of the structure but excluding others. Benveniste cherche a préciser la pensée de Lotz en disant qu’il y a tou.jours isomorphie, mais pas seulement isomorphie. Lptz accepts this interpretation. Frei: Au-dessus du signe il y a toujours isomorphisms; ce n'est au'au niveau infra-signe que la question d’isomorphisme se pose. Hi, signale qu'isomorphisms est pris dans des sens tres divers et nettement incompatibles. Sans accepter les details de l'exposé de Kury/owicz dans les 'Recherches structurales’, qui en effet d'un certain point de vue interne et plus technique constitue un malentendu sur lequel il n'y a cependant pas lieu d'insister ici, isomorphisme est pris par lui dans le sens général d'identité de principe dans la structure paradigmatique des deux plans de la langue, alors qu'il semble que dans la discussion présente on prend le terme d’i- somorphisme dans le sens de one-to-one correspondence au point de vue syntagmatique. C’est justement caractéristique de la langue linguistique de ne pas presenter d’isomorphisme dans ce sens du mot. H,j. s’oppose a la these de Frei: meme au-dessus du signe il n’y a pas cette sorte dIsomorphie, vu que les relations différent entre les unités en passant d'un plan a l'autre. Devoto, en partant de l'exemple deleo donné par Frei, se demande ce qui se passe dans deleueris. et demande d'autre part si dans deleo s'il y a, ou non, six significations différentes. Hit soutient que deleueri3 présente un cas de syncrétisme. On passe a l'examen de la proposition suivante déposée par Hj . aprés la discussion du matin: A.- Signe symétrique - signe dans lequel le contenu et l'expres- sion comportent une meme forme.

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Signe naturel - signe symétrique non-conventionnel. EXemple: Nuages comme signe de pluie . Exemples de signes symétriques conventionnels: signaux de trafic; pendule sonnant les heures. Symbole -- signe (symétrique ou asymétrique) dont le contenu et l'expression sont sentis comme présentant une ressem- blance. (Terme purement subjectif en principe.) Signe as ymé t r iq ue - signe dans lequel la forme du contenu differe de celle de l'expression. C'est la seule sorte de signes qui nécessitent scientifiquement une description par deux plans. Le signe asymétrique constitue le cas normal dans la langue linguistique. BN'importe quelle structure susceptible d'etre décrite comme comportant deux plans (un plan de contenu ou signifié, et un plan d'expression ou signifiant) sera appelée une sémio- logie. Une sémiologle comportant des signes asymétriques sera appelée une langue . Une langue linguistique est une langue qui peut §tre utilisée pour n'importe quel but de communication. C.- Sens (anglais: purport?) -»substance de contenu considerée indépendamment de la fajon dont elle est formée. Transposition - transport d'un m§me sens d'une forme å une autre. Traduction - transposition d'une langue dans une autre langue. Formulation - transposition d'une forme non-linguistique dans une langue. Pour éviter les ambigiiités du terme signification il est proposé 1° d'appeler désignation la relation entre la forme du

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contenu et la substance du contenu 2° de qualifier la relation entre contenu (signifié) et expression (signifiant) de relation sémiologique 3° de réserver le terme de signification (anglais: meaning) a désigner la substance du contenu. Eenveniste donne lecture de l'alinéa A et le met a discussion, en demandant a Hj. de préciser ce qu'il faut entendre par forme. I-I.j.: Forme - réseau de relations abstraction faite de la mani- festation. Suit une discussion animée qui se concentre sur le terme de syrn - bole. Benveniste. en s'appuyant sur un manuscrit préparé, expose une doctrine selon laquelle tout est symbolique dans la langue, et que d'autre part il faut exclure le symbolisme. C'est selon lui le moyen pour surmonter le dualisme du symbole chez S%s- sure. Pirtb rend compte de ses Etudes sur Swinburne et rappelle les gestes vocaux de certaines langues africaines. - II est pro- posé de distinguer le symbole évocatif et le symbole Equivalent de signe, Eventuellement d'abandonner le terme symbole dans le dernier sens. - (La discussion, tres confuse, ne me semble pas avoir donné de résultat. Benveniste finit, si j'ai bien com- pris, par révoquer la plupart de ses théses. Hj. a insisté sur l'utilité qu'il y a de conserver le terme de symbole dans le sens subjectif (collectif ou individuel selon les circons- tances.)) Benveniste? Messieurs, miraculeusement la fin de nos discus-

sion coincide avec la fin de notre séance