Propositions soumises à la conférence européenne de sémantique, [Semantik] 134-0080

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LOUIS HJELMSLEV

PROPOSITIONS SOU I3E3 A LA CONFERENCE EURO PEE N1ME DE SEMANTIQUE 1951

I.Probléme.

Le probléme qui rous occupera est celui de savoir si le probléme de la sémantique doit étre maintenu, et, en cas d’affirmation, dans quels termes il convient de le formuler. En faisant abstraction de la sémantique génétique (diachronique) - dont le probléme se déduit facilement de celui de la sémantique synchronique - on va passer en revue les divers sens que l'on a attribués, ou aurait pu attribuer, au terme ”sémantique”. On consl- dérera dans la suite morphemes et sémantémes å la foisj il serait inutile de suivre la tradition qui réserve le terme de sémantique aux seuls sé- mantémes; le probléme sémantique des h celui des sémantémes. II. Sémantique intra-linguistique. Cette sémantique”, ou ’’sémantique” procédant par definitions, est pratiquée par les dictionnaires monolingues. A condition d’etre bien exé- cutée, cette ’’sémantique” rend compte, directement ou indirectement, des élements simples du contenu dont se compose chaque ujiité complexe (p.ex. chaque mot), et des relations éntre eux qui servent a établir cette unlté. C'est une analyse des unités dans le plan du contenu (signifié) qui est exactement comparable å l’analyse qui dans le plan de l’expression (signi- fiant) consiste å dégager les taxémes (graphémes, phonémes, y compris accents, etc.) qui composent les unités plus larges, et les relations qui les unissent et qui établissent les unites. C’est une analyse qui vise å réduire l’inventaire des éléments e>n ne reconnaissant que les eléments les plus simples possibles, et å expliquer le nombre, en principe Illimité, d unités complexes par un membre restreint d’éléments fixes, reconnaissables part par l’épreuve de la commutation. Cette prétendue ’’sémantique” est une discipline intra-linguistique qui consiste en un examen du schéma du. contenu. Il fa ut un autre terme pour désigner cette discipline; pour notre part nous avons proposé celui de Plérematique. III. Sémantique extra-linguistique. La sémantique que nous envisageons ici peut @tre qualifiée d’extra- linguistique å condition de prendre le terme de ”linguistique” dans le sens restreint. C’est la sémantique qui vise a d^crire la substance du contenu. La relation qui l'occupe, ou "signification”, est plus exactement une désignation 1 c’est le rapport entre la forme linguistique du contenu, ou le désignant, et les faits qui lui servent de désignés (designata). C'est cette sémantique seule qui peut utilement recevolr le nom de sémanti- que”. Elle est pour le plan du contenu ce qu'est pour le plan de l’expres- sion la phonétique. Depuis Aristote (Categories. chap. 2 sv.) on a toujours voulu soutenir que la description des désignés extra-linguistiques constitue une partie nécessaire de la description du langage. On salt d*autre part depuis l'antl- qulté également qu'une telle description ne se réduit pas å une description

morphémes est en principe analogue

dans chaque langue

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3/51 physique du monde extérieur. Sans devenir nécessairement psyehlogiqu® dans quelques sens restraint de ce terme, la sémantique s‘occupe inévita- blement, du moins en partie, de faits psychioues, en prenant ce terme dans un sens provisoire et approx;matif * La description des designes de- vralt étre avant tout une discipline linguistique (dans le sens large) qui décrit le rapport entre les sujets parlants et le monde qui les entoure. Ainsi conpue, la sémantique a fait 1*ob jet de divers essais qui ont tous échoué, surtout psrce qufon est retombé sur des points de vue Incom- patl'bles avec le probléme proprement linguistique. III 1 - Sémantique fondée sur la logique. Elle echoue paree que fondée sut le réalisme des coneptsT {lepretendu concept n’étant, sous peine d’étre hypostasié, qu’un autre mot pour classe).et parce que les definitions de- viennent inapplicables en pratique et que les postulats qu on avance restent indémonstrables. 111 2 - Sémantique mentaliste. Cette sémantique cherche a établir un monde linguistique de notions psyehlogiques. Or pulsque 1*existence d’un tel monde est difficile ou impossible å démontrer, et qu 11 remonte sou- vent I un stade devolution préhistorique (p.ex. prélogique), cette séman- tique ne constitue souvent qu’un cerele vicieux i il est bien probable que les prétendues notions memes doivent leur existence a la forme linguisti- que tout s implement. Ill 5 - Sémantique behavioriste. Cette sémantique (représentée p.ex. par Charles Morris) échoue en"fin dé compte pour les memes raisons. Les réactions des sujets parlants ne sont pas ob jectivement démontrables pour n’import© quel fait du contenu linguistique. Il para it done que, icl en- core, les définitions deviennent inapplicables et les postulats restent indémonstrables. IV. Le problems de la sémantique est-11 évitable ? La thése avancée par quelques lingulstes américains (école de Tale surtout), seion laquelle la linguistiqxje pourralt se dispenser tout si påe- ment du probléme sémantique, paratt insoutenable pour diverses raisons, et surtout parce que l’épreuve de la commutation exige que la substance du contenu soit prise en consédération au meme titre que celle de l*ex- pression. C’est pour la méme raison que les analyses de la logistique rao- derne ne rapportent que peu de profit å la linguistique. Il semble done que, malgré les difficultés, le probléme de la séman- tique reste. V. Autour d’une solution du probléme.

Eour amener une solution, quelques théses préalables semblent étre

utlles i

1 - Dans le plan de l’expression, un élément du schéma linguistique peut, en des conditions déterminées, étre latent, c’est a dire marifesté par zéro. On peut tirer profit de cette experience pour 1© contenu; il est fort probable qull serait justif iév de soutenir une laten.ee certains éléments du contenu, surtout des morphemes (le genre p.ex.).

2 - On pourrait tirer profit également du fait des syncrétismes (neutra- lisai ions), bien con vt du plan de" l’ expres sion. Le fait qu’une unité du contenu peut comporter plusien. s significations peut étre utilement inter-

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prété en supposant des synkretismes. 5 - L*analyse plérématique (plus haut_, II), qui a étfe tres incomplete- ment exéeutée jusqu1ici, ccntribuera å simplifiescynsddérablement le probleme. Ce neseront, en fin de eompte, que les elements irréductibles qui exigent une description sémantique, ou par substance. %e partie de ees éléments peuvent m@me @tre latents (plus haut, Vi), tels les constan- tes logiques qui ne sont que des pieces de jeu. Une autre partie pourra^ doute etre d^crite en partant de situations behavioristes d'une tres

sans grande sirnpllcité .

Louis Hjelms lev.