Propositions, [Nice1951] 046-0820

3/51

HENRI FREI PROPOSITIONS SOUMISES å la CQNgEf.ltNCE EUROPEENNB de SEl* ANTIQUE (26 å 51 Mara 1951) 1) LE TERME DE SEMANTIQXJE • 1.1. Il ne dévralt pas étre réservé au lexique, sinon 11 faudralt créer un terme supplémentaire pour dédigner 1*étude du signifié en général. J*emploie sémantlque (théorie du signifiant) et sémantique (théorie du signifié) d4une maniére paralléle. 1.2. Le risque de confusion avec la sémantlque des logicians n’est pas grand. Rud. Carnap distingue une sémantlque descriptive, "empirical investigation of the semantical features of historically given languages", qui est une partie de la linguistique, et une sémantlque ; ure. entierement amly+ique et déductive et sans contenu factual, qui ressortit å la logique (Introd. to Semantics. 1948, § 5). l.J. Sémantlque est préférable k sémaslologle. qui, 3i l'on désire se servir de ce terme, désigne traditionne1lement 1’étude du signifié faite en partant su signifiant (all. BedeutungsleAre). å la difference de 1* onomasiologie (all. Bezelchnumslehre), qui' sult la marche inverse. 2) CE QUE LE SIONIPIE N'EST PAS. ' 2.1. Paits non-linguistiques. 2.1.1. Signifié et inféré. 2.1.1.1. Lorsque Je reconnais quelqu'un au téléphone d’apres sa voix, cette dernlére peut étre appelée un indlce. l'identlté de la pers onne un Inféré et le rapport entre ces deux termes une inference. 2.1.1.2. L*inférence (rapport d'lndice å inféré) est paralléle au signe (rapport de signifiant å signifié), måls s*en distingue par trois caracteres t 2.1.1.2.1. Elle n'est pas arbitralre, mais naturelle. 2.1.1.2.2. Elle n'exige pas de lien social entre interlocuteurs. 2.1.1.2.5. Elle n'est pas téléologique, mala seulement causa^e . 2.1.1.5. Sien des f^its étudiés par la stylist ique (p.ex. la colere diffici#lement réprimée d un interløouteur dévoilée par la phonétlque de sa phrase) relévent de l'inférence et ne ressortissent pas å la linguist!- que • 2.1.1.4. On peut reprocher a K« Biihler (et, å sa suite, å Trubetzkoy) d'avoir confondu le signe et 1*Inférence dans un© méme théorie linguistique. 2.1.2. Signifié et concept. 2.1.2.1.Comme l'a bien vu Erik Ahlman, les concepts scientifiques sont indépendants des mot3 de la langae courante, tandis que le sys terne

2

3/5i

des signifiés est constltuå par son appartenanco å un system© de signi- flant.s (Das nor Hive Moment Iro Bedeutun ?sbegriff. Helsinki 1926, p.59, 42, 45, 49). Le conceptzoologique de balelne est sans rapport avec les mots qul déslgnent eet animal dans les langues nationales. L*allemand (.Talfisch) et le ehinois (klng-yu.) ran rent le signifié ” balelne” dans la caClgorie.des polssons (le chinols compte les baleines et les polssons avec la roerne particule numérale i ’’trois longueurs de baleines”, "trois longueurs de polssons”). 2.1.2.2. Le C ours de lingustlque générale parle indifféremme t du concept (et de l’ idle) ou du signlHITLa confusion s’explique par le fait que Saussure n'a introduit les termes techniques signe, sig ni,fjant et signifié dans son enselgnement que dans la second© quinsaine de mal 1011 et que ies passages ou 11 est question du concept (et de l(idée) ont été errpruntés par les édlteurs a des lejons antérieures & ceti e date. 2.1.2.3. La critique "antiment allste" de L. loorofleld (Language. ch.9.) contre le signifié (meaning) n* at teint que le concept, qui est en effet étranger å la linguistiqu©. 2.2. Sémantique de la langu© (au point de vue plus large de la sémio- logie 1 sémantique institutional le) t signifié en variétés sémantiques obligatoires. 2.2.1. La distinction faite par Bally (I*ar’ itralre du signe), in fr. mod. 1940, 195-206), en p^rtant de "aussure, entre la valeur, virtuelle et appartenant å la langue, et la signification, qui serait actuelle et res3ortirait a la parole, est trop simple. (Dans la 2de édition de Lingu. :énér. et lingu. fr.. cette terminologie n*appjførait d’aiiieurs plus). 2.2.2. Entre ces deux extrémes, il faut supposer un terme intermé- diaire, la variété sémantique obligatoire, qui appartient å Ja langue. Seion les signlfiés qui l'accompagnent dans la phrase, le signifié all. ’’Land” apparait sous des variétéssémantiques diverses t au „asser und au Lande ("terre ferme"), Hadt und Land (” campagne” ), Land tind Leute (n pays” ). das Land der Phantaale ("domains”).omme elles sont obligatoires, ces varietés ne relévent pas de 1 parole. 2.2.5. Toutes choses 'gales d'allleurs, les varietés sémantiques obligatoires sont parallfel*. 3 aux variétés phonlques obligators (vartantes phonetiques combinatoires obligatoires de Trubetzkoy : all; dich/doch/ et aux variétés sématiques obligatoires ( nous ali-ons/ nous iyrons / Tis v-ont). Ces variétés phonlques et ces variétés sématiques appartlennent a la langue, bien que Trubetzkoy alt relégué les premieres (11 ne s*est pas occupé des secondes) danB le domain© de la phonetique et de la parole t cf. H. Frei, Langue. parole, et variation (article en préparation pour le Toum. de psvchol.) • 2.2.4. Le cas des variétés sémantiques obligatoires d’un me me signifié ne doit pas étre confondu avec celul de 1*homonymie, ou un certain nombre de signifiés différents correspond å un méme nombre de signlfiants homo- phones * manger une amande/payer une amende.

2.5. Sémantique de la parole (au point de vue plus large de la sé-

3

f

5/51

miologie i sémantique événementale)• 2.5.1. ignifié et mattere psychique. La mattere psychique d'un signi- lié est la manlére dont les sujets se reorésentent ce slgntfle. Il s aglt d'un aete individuel, unique et momentane, qui ressortit å la parole (a 1*événement). Autres termes : actualisatlon ( hily), subjective a prehension (Gustaf Stern), Meaning an.- Change of Moaning. Go teborg 1952). 2.5.2. Signiflé et référé. 2.5 .2.1. Le référé es t l'objet, physique ou imaglnalre, que le par- leur a en vue pour le co uniquer å l'entendeur. Autres ternes i all. Geæenstand. achverhalt, angl• referent (Ogden & Richards ) * thins-meant (Sardiner!. 2.5.2.2. Les verbes fr. entendre et all. meinen sont employes exelusivement pour le rapport entre perleur et référé : ex. Qxt'entendes- vous par lå ? 2.5.2.5. Ogden & Richards et Gardiner ont reproché å Sau3sure de n'avoirpas tena compte du référé. Ils ont oublié que le Gours n'est pas consacré å la linguistique de la parole. 2.5.2.4. Le rapport entre signlfié et référé est arbitraire. Divers signifies appartenant au méme systéme de la langue peuvent viser, tour å tour, le méme référé. 5) CONCEPTION DIfVERENTIALISTE DU SIGNIFIE. 5,1. Le signifié eat une valeur s ’’Dans l'intérleur Cl'une méme lan- gue, tous les mots qui exprlment des idées voisines se limltent récipro- quement”• (Saussure).

5.2.A la fin de son chapitre sur la valeur linguistique, aussure avalt précisé gue les termes opposition et distinct ne peuvent s’appliquør qu'aux signes ("la seule espéceacfalta que comporte la langue”), les termes différ*ence et différent qu'aux éléments constltutifs des signes, c'est-å-dire aux signifies ou aux signlfiants (et par consequent aussi aux phonémes), qui n’ont rien d© ’’posit ifr •

R.S. ‘/Jells (Vord 3/1947, 13-l4) a relevé que dans les autres parties du C ours cette separation terninologique n'est pas maintenue d une manlére consistante. Je m’explique cette contradiction par le fait que le chapitre en question a été expos! tout å la fin du semestre d'été 1911, tandis que les passages dissidents sont tirés Je legons anterieures (p.ex., la fa- mouse phråse sur la valeur onpositive de3 phonémes, si souvent citée par Trubetzkoy et ses disciples, ap; artlent å un c oars de 1907).

31 l'on veut s'en tenir å la terrrinologie de Saussure derniére manife- re, universel lement vlolée aulourd’hui sur ce point, Il faut done consi- dérer les systemes sémantlques (comme aussi les systémes,sématiques et le s systémes phonématiques) non pas comre des systémes d oppositions, mais comme des systémes de différences. L’intelligence de la doctrine de Saussure en dépend.

4

5/r>l

lin- par

ou accessoire. Dernier exemple européen å moi connu * P. Naert, Studla Llnaulstlca 1 (194?)t p»9• Tout systéme d*oppositions entre si$nes implique un systemø de diffé- rences sématiques et un systfeme de differences semantiques. Gom e ces deux systéntes de différences sont rare ment isomorphes (comme dans le cas des traffic llschts * rouge/vert - "sto$y"go")* *1 est indlspenaSble,,en !?"• guistique, dvattaquer 1*étude du signe aussi 'olen par le slgnlfie que le signifiant. 4) E3SAI D'UNE CLASSIFICATION DES DIFFERENCES SEMANTIQUE3, en partant de la classification des oppositions phonologiques de Trubetzkoy. Ib. Trnka a songé å une a apt Ion analogue pour la a emo ti que s \-ctes du oe Gongres, p.29)» 4.1. i-explicite ou zéro (Trubetzkoy s équipollent ou pri\-atif). Cf, "ville"/oampagne" et "vllle"/"quartier". Il y a done des signifies zero s "quartier" différe de "ville" par un zero sémantlque, de meme boeuf de "taureau". 4.2. Bipolaire ou pluripolaire (Trubetzkoy : bilatéral ou multilatérall| seion que la partie commune a deux signifies ne se retroure pas ou se retrou- ve ailleurs• Cf. "pfere'7"mére" et "rouge"/" bleu". 4#q. Isolé ou proportionnel, seIon que la difference entre deux signi- fiés ne se retrouve pas ou se retrouve ailleurs. Cf. "rouge"/"faune’ et taureau"/"boeuf" • 4.4. sériel ou non-sériel (Trubetzkoy * graduel). Cf. "est"/"ouest" et "bleu"/"rouge". Les différences sérlelles peuvent étre cycliques ou non-cycliques. Cf. "décembre"/”.1anvier" et "blåne"/"gris" . 4*5. Spécialisé ou netitrallsé (Trubetzkoy i constant ou neutralisable)« Les épiefenes (rat, hirondelle) neutralisent le sexe. Dans les composés fran- cais/la dif fe cence s in'gul ler/ p lur ie 1 ?st en général neutralisée pour les corposants : portemanteau. L*article defini neutralise les déictiques * fe l*ai ra --aontré dans" la rue. La difference comnaratlf/superlatif est neutralisée quand il n*y a que deux comparés : C1est la plus jolle dos deux. Les synta*gmes du type difficile å obtonlr neutralisent la difference actlf/pas3if. 5) ESSAI D’IINE CLASSIFICATION DES CATEGORIES SEM.ANTlQ.tIES. La dl ision la plus générale que l*on puiS3© établlr entre signifiés est celle entre signifiés de base et signifies qui les rellent entre eux dana'le syntagme s 3lgnifiés reliés et signifies rellants. Dans rouree et blåne,"l»OUge" A* "V'1 nn." <n mt. r>Al 1 An . pst. wl 1 nnf .

5.1

et "blåne" sent reliés, "et" est reliant. Signifiés reliés : sltuels et extra-3ituels•

Seion que le référé (°2.4.2) différe obligatolrement en fo c^ion de &a situation (personne, lieu et temps) ou se trouve le parleur ou qu il en est lndépendant, le signifié sera dit situel (all. situatlons-yedln,-.^.) s ou extra-aituel (sltuatlonsfrei). Cf. "moi" et Hø nri Frei, lcl" et a

5

Geneve*', ”aujourd'hui" et "le sawed 1 3 mars 1951" • Le nombre et 1*aspect aont extra-situels• 3.2. Signifies re It ants t coordinates et subordinates. <=.2.1. Signifils coordinatifs . La coordination differ© de la subordination par le fait que les ter- mes coordonnés peuvent étre plus de deux (" rouge-blanc-bleu") et qu*on ne peut dist:tn:uer un term© détemtlné et ur terme determinant. , 5.2.2. Signifies subordinatifs *♦ inherence et relation. Leo u?ordinatifs apparttenrent soil au rapport d’inherence (copules "étre" ou "devenir", syntax© d’accord), soit au rapport de relation (eo- pules "avoir" ou "fair©", syntax© d© rection). 6) LA NOTION D3 SYSTEMS b AM ANTIC UE ( synchroni© ©t diachronie ) . La notion générale de system© est encore insuffisamment déflnie • La simultanéité physique ne suffit pa a en rendre compte. Dn pour *ait essayer e nrlciser ce consept, en sémantique comm© dans les autres par- ties'de la ilnguistiqu© et de la sémlologie, en y appliquant les trois axiomes de la theorle des groupes de transformations (group©3 discontinue finis), comme l*a fait le physlclen ndre iitlercier pour la mu3ique (Sur les opérat Ions de la cp posit ion musical©, r,c,h. dejpAYChpl. 27, denéve 1959, 186-224)♦ Aui dlt systfeme, en effet, dlt ,group© mathématiqu©. Cette méthode pourralt fournir un crltér© pour la distinction syn- chronie/dl ichronle, en tenant naturellement compt© du fait que la violation des trois axiomes n*indique pas necessairement la diachronie, mais simple- ment 1*absence de systéme. 6.1, Axiom© d’identlté. Dan3 un systéme sémantique, tout signlflé qtii en fait partie peut étre reprodult'identiquement (operations+O ou -O des mathematicians). Dans le systems de l’aliemand d* au teur<Jl hui, "Land" est le mdme signifir daat tous ses emplois, mal *re les varietés sémantlqu©3 obligatolres (§ 2.2) qu* 11 comporte. Il n*en ©st Jamals de mem© entre deux systemes successifs (sauf dans l’hypothése de deux systemes successifs identiques). Le signlflé "iste" du latin ne se reproduit pas identiquement dans le franpais "celul-lå’- . Le premier est déiimlté par "bie" et "ille", avec lesquels il forme un sous-rtroupe tripolaire (? 4.2), le second par "ceiu|.-cl" aeulement (sous- groupe bipolairé)• Dans le franjais parlé d’aujourd hui, le signlflé qui correspond au passé conqposé n*est plus celui de la langue d*autrefois; celle-ci le contrastalt avec celui du passé simple, que le parler actuel ne connait plus s Autrefois t T*écrtvls hier / -T*al écrlt. Aujourd’hui t •Ttal écrlt hier / Jfai écrlt. 6.2• Axiom© de réverslbilité. Dans un systéme sémantique, toute opération falte sur un signlflé pour aboutir å un autre signlflé est réversible. En franqais actuel, on peut

6

3/51

passer indifférc ment de "t aure au" k f boeuf" ©i de "bo© uf" å "taureau" • C«a.a n*est pas le eas entre deux systemes successifs dlfférents. Le slgni- fife "tirer" correspondent å lat. trahere a about! au franjais "traire" t le passage inverse est ineonnu. 6.3. Axiome d’équl valence des resultats entre eux operations succes- sives et une tr0siéme. Dans un systeme sémantlque, deux oplrations successives peuvent étre remplacées par une troislerne qui donne le méroe résultat. On peut passer, en f ranja is actuel, de "vache" å" taureau", puls de "taureau" å "veau", maia direct© ent aussi de "vache" å "veau". Dans 1 *histolre du mot bureau, on est passe du si^iiflfe "ét of fe de lalne commune" au algnlflfe "couverture de table", puls de lå au signifié "table å écrire" * un passage direct de "étoffe" å "table" est ineonnu.

Ile nri FREX.